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le manifeste contenant la declaration de guerre du roi centre le roi de
la Grande-'Bretagne, pour etre en etat de demoutrer a la Czarine que
le roi de la Grande-Bretagne est
le premier et le seul agresseur par
tous ses torts envers S. M. et par toutes ses contraventions aux traites,
et qu'il s'ensuit de lu qu'il ne peut etre aucunement fonde a pretendre
les secours de la Kussie, dont les engagements avec lui ne sont que pureraent
defensifs; mais ce que nous savons de la mauvaise volonte de
ra. de Bestoucheff et de sa partialite outree pour I'Angleterre pouvant
faire craindre qu'il n'induise la Czarine a donner ce secours, vous ne
pouvez apporter trop de soins aux moyens d'eclairer a cet egard cette
Princesse et de la detourner de toute resolution conforrae aux desirs
et aux inspirations de son ministre. La Czarine personnellement a un
si grand interet de former la quadruple alliance projetee et de desirer
que le roi en soit partie principale, pour d'autant mieux en assurer les
effets k I'avantage de la maison de Holstein, que S. M. ne presume pas
que la Czarine voulut la mettre hors d'etat de suivre et de remplir a
cet egard toute sa bonne volonte pour cette Princesse, comme ce serait
faire, en exigeant d'entrer ouvertement par rapport a ses vues sur le
Sleswick dans des mesures incompatibles avec I'honneur de ses engagements
subsistant en faveur du Danemark. J'ai peine a croire que la
Suede puisse preter actuellement son concours a ces memes vues de la
Czarine, et que sans ce concours neanmoius cette Princesse veuille s'embarquer
seule dans une pareille entreprise. Cette consideration pourrait
done faire nattre le soupgon que le ministere de la Czarine aurait double
objet dans la resolution, qu'il fait prendre a cette Princesse de faire
marcber une armee en Basse Allemagne; que sous le masque de vouloir
envahir le Sleswick, ce ne soit peut-etre qu'un pretexte pour faire servir
ces memes troupes an secours du roi d'Angleterre, lorsqu'une fois elles
se trouveront en Basse Allemagne. C'est ce que vous examinerez pour
regler vos demarches et vos representations a faire sur cette matiere k
la Czarine. Je suis etc.
№ 148. M. Amelot au marquis de la Ghctardie.
Versailles, 26 avril 1744.
Des le moment, m., que vous avez ete instruit que le roi avait
pris la resolution de declarer la guerre au roi de la Grande-Bretagne
electeur de Hanovre, vous n'aurez pas manque de prevoir et de sentir
que S, M. n'avait pas de moins fortes raisons d'en user de meme k
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I'egard de la reine de Hongrie. Independamment de la conduite insoutenable,
que cette princesse observe depuis uu certain temps envers S. M.,
sa patience a ete d'un autre cote poussee a bout par uue infinite d'ecrits
iujurieux, que les ministres autricbiens affectent de repandre dans le
public, et qu'ils remplissent impunement d'imputations les plus odieuses
et de calomnies atroces, mais principalement par les tentatives, qu'elle a
faite Гаппёе derniere pour penetrer en Alsace. Je dois croire que dans
les occasions que vous avez eues d'entretenir personnellemeut la Czarine,
vous n'aurez pas neglige de Tiustruire de cette situation des choses, et
que cette Princesse sera deja preparee a la communication que le roi
vous charge de lui douner a la reception de cette lettre de I'ordonnance
de S. M., que je vous envoie, portaut declaration de guerre contre
la reine de Hongrie. En meme temps que vous informerez la Czarine
de cette resolution devenue indispensable, vous n'omettrez rien de toutes
les insinuations que vous estimerez les plus propres a faire connaitre k
cette Princesse que S. M., continuant de prendre toujours une entiere
confiance aux assurances, qu'elle lui a fait donner de son amitie, elle y
fait trop de fond pour ne pas esperer que la Czarine est fort eloignee
de se laisser entrainer par les ennemis de S. M. dans aucune mesure
pendant cette guerre, et encore moins de leur donner aucune sorte de
secours, soit en troupes, soit de quelque autre maniere. Je suis etc.
№ 149. Pro шешогіа remis par m. d'Ailion ii in. du Tlioil le 3 mai 1744.
26 avril 1744.
La Czarine, en se determinant a ne point recevoir les lettres de
rappel du sieur d'Allion, parce qu'elles etaient sans le titre imperial; et
pretendant que le conge formel de ce ministre et les audiences usitees
en pareille occasion ne pouvaient avoir lieu qu'eu presentaut une lettre
de rappel et en recevant celle de recreance, chargea le vice-chancelier
Bestoucheff de faire de sa part au sieur d'Allion une declaration parfaitement
conforme au contenu de la piece ci-jointe, dont le secretaire du
vice-chancelier par ses ordres laissa prendre trois jours apres une copie
a celui du sieur d'Allion.
Par cette piece on voit qu'on s'est attendu. ainsi que de raison,
a la cour de Russie que dans le cas, ou Sa Majeste condesceudrait a
accorder a la Czarine le titre, que cette Princesse desire, le sieur d'Allion
prendrait son conge formel par ecrit, en envoy ant ses lettres de
rappel, et que Ton s'y est engage pareillement a repondre par une
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lettre de recreance et u faire remettre cette lettre au sieur d'AUion
conjointement avec le present d'usage et de droit qu'on donne aux ministres
etrangers k leur depart.
En consequence de ce que dessus, et sur ce que m. Amelot a fait
connaitre a m. d'AUion, que le roi pour rait consentir aux desirs de la
Czarine par rapport au titre, le sieur d'AUion devant souhaiter que sa
mission a la cnur de Russie se termine dans les formes usitees, desirerait
qu'il lui fut delivre de uouvelles lettres de rappel des le meme
moment qu'il plaira k Sa Majeste de se decider sur I'article du titre.
Le sieur d'AUion, pour suivre la route, que les ministres russes lui
ont tracee eux-memes, remettrait ces nouvelles lettres au secretaire d'ambassade
de la cour de Russie et les accompagnerait d'une lettre de sa
part pour la Czarine et d^une autre, pour les ministres de cette Princesse.
№ 150. Le marquis de ia Ghetardie a ni. Amelot.
Moscou, 19/30 avril 1744.
Monsieur, la declaration de la guerre n'a pas ete suivie de diligence.
II m'a ete impossible d'user de votre attention, par laquelle vous
auriez souhaite consacrer plus particulierement la confiance que le roi
a dans Famitie de la Czarine et I'empressement de Sa Majeste a lui
faire part des evenements ou la gloire de la France pent etre interessee.
Je n'ai pu meme me trouver a portee d'eii donner la preuve a
cette Princesse; elle est depuis vendredi a la carapagne k se livrer uniquement
au plaisir, que des idees nouvelles peuvent lui inspirer, et elle
n'en est revenue que pour se montrer un moment le dimanclie, qui est
jour de cour, et pour fournir a la hate le surlendemain matin a I'instant
que I'audience de I'ambassadeur de Danemark exigeait.
Get obstacle a du me rendre encore plus vigilant, et apprenant que
monseigneur Tirawley etait arrive le 23 au matin a St. Petersbourg,
qu'il devait en repartir le 27 pour se rendre diligemment ici, et le
baron de Mardefeld m'ajoutant que I'estafette, qu'il avait re^ue, avait
apporte I'avis qu'un courrier anglais, qui avait deja passe Berlin, etait
charge de I'ordre pour I'ambassadeur d'Angleterre de reclamer les secours
auxquels la Russie est tenue par son traite, — aussi ai-je fait usage
de I'occasiou que le grand-due et madame la princesse Zerbst allaient
diner aujourd'hui a cette canipagne, sur I'invitation, que la Czarine leur
en avait faite, pour recommander a mm. de Brummer et Lestocq de se
menager le moment de parler a cette Princesse de la declaration de la
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guerre et de lui faire envisager qu'elle etait d'autaut moins dans le cas
de se preter a la demaude, que I'Angleterre ne tarderait pas a lui faire,
que le roi de la Graude-Bretagne s'etait rendu agresseur au point, en
occupant, la rade des lies d'Hyeres, en bloquant le port de Toulon et
on attaquant les escadres combinees de France et d'Espagne; que nous
n'aurions pu souffrir plus longtemps de seinblables insultes sans nous
exposer a perdre toute consideration en Europe.
lis ont rempli tout ce que j'attendais de leur zele et de leur soin,
et ils ne pouvaient le faire avec plus de force, suivant ce qu'ils me font
dire par une personne de confiance, qu'ils m'ont renvoyee incontinent,
qu'en repliquant a la Czarine, —qui leur avait repondu qu'on ne savait
qui croire sur I'expose de cette affaire,—qu'elle ne serait jamais trompee
quand elle consulterait ceux, qui lui sont attaches et qui n'ont d'autres
interets que les siens, au lieu qu'elle le serait, lorsqu'elle preterait
I'oreille a des personnes qui ne se conduiseut que par des vues particulieres.
On
pent toutefois conclure de cette reponse que nos ennemis n'ont
pas neglige de prevenir la Czarine; qu'il ne tiendra pas a eux de nous
faire passer pour agresseurs et de s'en prevaloir pour donner ici beau
jeu aux anglais, ainsi que je le prevoyais dans ma derniere lettrp, et
que Ton est bien eloigne a cette cour de donner u la resolution, que le
roi a prise, I'entiere approbation que vous presumez qu'elle y trouvera.
S'il s'ensuit de la' qu'on cberchera par toutes sortes de moyens u
affaiblir ce prejuge de religion, que vous rappelez dans votre premiere
depeche, et k vaincre Teloignement, que la Czarine a a se declarer eu
aucun cas contre le roi, si a I'occasion de ces avis destitues de fondement,
que m. de Lanmary vous marquait que Ton avait eus, de la disgrace
du vice-chancelier, vous reconnaissez vous-meme la faiblsse de
I'appui dont je peux m'etayer, et que tout le ministere, comme il est
vrai, est dechaine de fagon contre la France qu'il lui fera le mal qu'il
pourra, vous m'autorisez a vous faire remarquer qu'en ne relevant que
les deux articles de ma lettre du 15 fevrier, qui ont rapport a ce prejuge
et u ce que je vous representais au sujet du portrait du roi, vous
me mettez hors d'etat de tirer aucun parti du premier point, des que
vous passez sous silence ce qui regardait les fonds, qu'il serait impor^
taut que j'eusse k ma disposition, et ne consommez rieu k cet egard,
malgre ce que comporte plus indispensablement I'eloignement oil je suis,
si Ton veut faire quelque chose ici; et quant a la surprise que vous
me temoignez de ce qu'en n'etant pas plus avance que je le suis avec
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la Czarine, je vous presse de m'envoyer le portrait du roi, une raisou
determinante m'a paru exiger que je vous eu fisse la representation,
c'est celle qui constate combien le ministere russe est oppose a la France,
et que n'ayant pour nous que la Czarine, nous fournissons et fournirons
des armes a ce ministere, dont je souhaite que les suites ne soient pas
facheuses pour nous, chaque fois que nous negligeons de captiver cette
Princesse, de la fortifier dans les dispositions naturelles, ou elle est a
notre egard, et de nous assurer de retrouver en elle un rempart contre
ks suggestions de ceux, qui se font une etude constante des moyens de
detruire les sentiments qu'elle a pour nous. Yous jugerez aisement que
plus I'exemple du passe a le droit de me persuader de cette triste verite,
moins il est en moi d'imaginer des pretextes pour autoriser le retardement
de ce que j'avais annonce u cette Princesse. Le mieux d'ailleurs
est de laisser tomber la chose. J'ai toujours oui dire que celles
de cette espece qu'on reveillait, produisaient un effet contraire, quelques
belles que fussent les couleurs dont on les revetissait.
Toutes celles que 1'on emploierait, ne seraient pas suffisantes, selon
ce que pense le baron de Mardefeld, pour porter la Czarine a determiner
les suedois sur I'occasion si favorable pour eux qui se presente
de recouvrer les duches de Bremen et de "Werden. II estime, et je suis
de son opinion, que I'aspect seul d'un pareil projet effaroucherait cette
Princesse et la mettrait en defiance sur I'alliance projetee. J'ajouterai
que si un interet momentane etait propre a engager le roi de Prusse
& donner les mains a un semblable concert et k se dissimuler la jalousie
relative a la Pomeranie, dont j'ai vu pendant huit ans la cour de
Berlin affectee a la vue de toute augmentation de force et de puissance
que la Suede acquerait, il faudrait qu'un ministere russe nous fut entieremeut
devoue pour concourir a un objet de cette nature. II ne pent
sans cela que se ramener au principe, vrai en soi, que la Russie ne saurait
se conserver une superiorite dans le Nord et s'assurer la tranquille
possession des couquetes, qu'elle a faites sur la Suede, qu'autant que celleci
restera dans I'etat de faiblesse ou elle est.
Quant aux nouveaux delais que souffre mon admission, il depend
aussi pen de moi de les abreger qu'il m'eut ete agreable par toutes
sortes de raisons de pouvoir d'abord me trouver en pleine activite. La
difficulte du titre y a porte un empechement invincible que je n'osais
surmonter. Les ordres du roi, en levant depuis cet obstacle, out exige
que pour 1'aplanir avec decence, je m'expliquasse avec la Czarine; il faut
la joindre et la fixer un quart d'heure pour cela. Or c'est la la pierre
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